Dans une tribune et plusieurs articles parus récemment dans la presse, des psychanalystes se positionnent en défenseurs d’une jeunesse influençable contre les ravages de l’idéologie du genre. Si la démarche est louable, elle appelle une sérieuse mise au point :
Dans le sillage de Caroline Eliacheff, des psychanalystes appellent à la plus grande circonspection par rapport à l’épidémie de dysphorie spontanée qui pousse un nombre croissant d’adolescents fragiles vers une démarche de transition sexuelle aux conséquences irréversibles.
Il est souhaitable en effet que les praticiens ne se laissent plus museler par le terrorisme intellectuel qui contribue à l’aveuglement sur ce qui est devenu un sujet majeur de santé publique.
« Il n’y a pas de débat » cet adage n’existe que dans les pays totalitaires. En France débattre, de tout, est un devoir.
CEPENDANT les psychanalystes sont aussi peu crédibles dans ce domaine que lorsqu’ils reprochent à quiconque met en doute leurs théories misogynes et poussiéreuses d’être à la solde de l’industrie pharmaceutique, alors qu’ils sont, directement ou indirectement, largement responsables de la sur prescription de psychotropes et de neuroleptiques en France.
Une fois de plus, entre la publicité faite par une poignée de psychanalystes proches des médias et la réalité, il existe un GOUFFRE.
Premièrement, pendant que Caroline Eliacheff court les plateaux TV pour vendre son livre « La fabrique de l’enfant transgenre », se posant en défenseuse de l’enfance en danger du wokisme, ses collègues psychanalystes ouvrent des antennes de réassignation sexuelle un peu partout en France dans les cliniques et les CHU.
Un exemple parmi bien d’autres : Dre Agnès Condat, pédopsychiatre psychanalyste d’obédience lacanienne, a ouvert une unité à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière.
Un autre psychanalyste Serge Hefez communique ouvertement sur sa sympathie envers le mouvement transactiviste
« Transitions, réinventer le genre ».
Devant la manne que représente cette nouvelle clientèle, ils sont de plus en plus nombreux à franchir un tabou. L’arbre ne doit donc pas cacher la forêt.
Les psychanalystes profitent largement de la vague de dysphorie spontanée créée par contamination sur les réseaux sociaux : une génération de jeunes patients en bonne santé placés sous médication à vie, dont les traitements hormonaux et chirurgicaux sont intégralement remboursés par la sécurité sociale sous ALD. Quel bonheur ! Il suffit de dire oui et d’appliquer le protocole revendiqué par les organisations transactivistes, même si cela conduit in fine à renoncer à toute démarche psychothérapeutique. Pourquoi priver les hôpitaux de cette manne financière ?
S’ils regrettent leur geste et détransitionnent quelques années plus tard, iels auront également besoin d’un suivi psychothérapeutique et recevront des enveloppes spécifiques de la sécurité sociale pour accompagner leur détransition. Le jack pot !
Par ailleurs, les psychanalystes s’appuient de longue date sur l’idéologie « queer » et les travaux de Judith Butler pour justifier les aphorismes lacaniens « la femme n’existe pas » « il n’y a pas de pulsion sexuelle d’organe chez l’adulte » « il n’y a pas de rapport sexuel » et autres joyeusetés anti scientifiques. Les théories des psychanalystes orthodoxes sont tout aussi déconnectées de la réalité, de la science et de la biologie – déconnectés de la sexualité – que les mantras des idéologues du genre.
Ce concept est d’autant plus important qu’il est la pierre angulaire de l’édifice théorique de la psychanalyse. Tout repose en effet sur le mantra lacanien de l’impossibilité pour une femme de s’identifier positivement à un être femme. Pour un psychanalyste il y aurait une déconnexion absolue, une incompatibilité irréconciliable entre le sentiment d’être une femme, et le sexe féminin biologique au motif que celui-ci n’aurait pas de représentant dans l’inconscient.
En psychanalyse, la supposée absence de féminin dans l’inconscient, joue un rôle nodal, quasi développemental dans la psychopathologie.
Au cours de ma longue période de repérages et d’investigation dans les milieux psychanalytiques français (2008-2011) j’ai interviewé 52 représentants de parcours très variés, représentatifs des différents courants.
Lorsque, incrédule, je les confrontais aux mantras de la théorie freudo-lacanienne de la sexualité (le primat du phallus et l’envie du pénis), cherchant des personnes capables de les critiquer, TOUS, sans exception, se sont appuyé sur l’existence des transsexuels et le mouvement queer pour nier la possibilité pour une femme de s’identifier positivement à son sexe biologique.
« LA FEMME N’EXISTE PAS » disait Lacan et répètent en chœur aujourd’hui ses disciples.
C’est d’ailleurs la même chose pour un homme, dès lors que la psychanalyse fait jouer au « phallus » un rôle d’objet magique dans l’inconscient, déconnecté de l’organe pénis.
« Il n’y a rien qui dise que vous êtes un homme ou une femme. Le corps ne dit rien. Vous êtes peut-être un homme ! » m’avait asséné au cours de son interview le psychanalyste Guidino Gosselin. Cet extrait est visible dans le film « Le Phallus et le Néant ».
Le corpus idéologique freudo-lacanien s’est implanté en France dans les années 60. Au cours de la même période de nombreux séminaristes ont perdu la foi, et quitté l’église pour devenir psychanalystes. Les grandes figures de la psychanalyse française (Lacan, Dolto) étaient profondément imprégnés des valeurs du catholicisme, donc d’une vision problématique de la sexualité qu’ils ont inscrits dans la psychopathologie freudo-lacanienne. Dans l’émission « TCC en France, pourquoi un tel retard ? » Didier Pleux évoque ce phénomène : les psychanalystes ont peu à peu remplacé les curés et les confesseurs d’autre fois auprès des intellectuels.
Si certains psychanalystes combattent idéologiquement le transactivisme c’est pour de mauvaises raisons : parce que leur conservatisme forcené interdit de penser qu’une personne puisse ne pas être soumis à sa biologie, quand Freud affirmait « l’anatomie c’est le destin ».
Le fait que des hommes prétendent d’identifier formellement à une femme alors que pour un psychanalyste la femme n’existe pas, ni dans l’inconscient ni dans son corps, cela est tout bonnement inconcevable.
Dans une idéologie qui fait jouer au Phallus un rôle quasi mystique, le fait que des hommes puissent renoncer à leur pénis au point de se mutiler pour tenter de ressembler à une femme, est inconcevable.
Le fait qu’une femme désire prétendre être un homme au point de réclamer une phalloplastie, devrait à priori conforter leur théorie de « l’envie du pénis ». Sauf que dans le monde des psychanalystes il ne faut pas sortir de la logique binaire de femme soumise à l’ordre phallique. Le destin assigné par la psychanalyse aux femmes est d’accepter son manque à être, sa réalité d’être « castré ». Donc les démarches actives des femmes trans identifiées hommes pour ressembler à des hommes, ne leur conviennent pas non plus.
En résumé les psychanalystes s’opposent aux trans (tout en utilisant leurs concepts) mais pour de mauvaises raisons.
Les psychanalystes sont particulièrement mal placé.es pour se positionner parmi les critiques genre pour qui « sex is a fact » « sex matters », alors que depuis un siècle ils n’ont de cesse d’affirmer le contraire.
A partir du moment où leur propre théorie sexuelle est idéologique, les psychanalystes sont incapables de fournir des soins adaptés aux jeunes trans en souffrance pour les aider à sortir de leur dysphorie, leur apprendre à s’aimer comme iels sont et accepter progressivement la réalité.
La psychanalyse freudo-lacanienne partage avec l’idéologie du genre et le catholicisme les mêmes postures vis-à-vis de la sexualité : rejet du corps et de la part animale de la sexualité humaine. Le rejet de tout ce qui nous rattache au monde sensible de la perception et des sens.
Ils partagent également l’idée qu’il n’existerait pas de santé sexuelle, la croyance que chez l’humain la sexualité est obligatoirement dans un registre pathologique, qui vient mettre en danger la santé mentale ou l’identité.
Avant de prétendre combattre les ravages de l’idéologie du genre les psychanalystes devraient commencer par dépoussiérer leurs théories.
A moins de vouloir brouiller un peu plus les cartes.
Le sexe est une réalité biologique, n’en déplaise aux psychanalystes comme aux idéologues du genre, ce qui n’induit absolument rien sur la façon de se comporter en tant qu’individu.
Femme : être humain de sexe féminin.
Les femmes existent. Et je suis fière d’en faire partie.
Sophie Robert 13 03 2022