Françoise DOLTO : la cause des enfants ou la cause des pédocriminels?
Par Sophie Robert
Françoise Dolto est probablement la psychanalyste française la plus célèbre dans la mesure où son ancrage est plus grand public, moins élitiste, que celui de Jacques Lacan. Lancée par des émissions de radio sur France Inter en 1976 qui la firent connaitre du grand public, Françoise Dolto vit depuis une histoire d’amour durable avec les médias, contribuant ainsi largement à banaliser la psychanalyse dans la culture française et faire barrage à toute analyse critique de son apport. Plus de trente ans après sa mort, elle a été littéralement canonisée par le service public de l’audiovisuel qui lui consacre inlassablement tous les 6 mois fictions, émissions et documentaires aux propos élogieux, hagiographiques. A les croire, avant Dolto les parents élevaient plus ou moins leurs enfants comme des petits animaux. Depuis Dolto, et surtout grâce à celle qui prend aujourd’hui l’image d’une sainte, l’enfant serait enfin considéré comme un être humain.
Ces propos ne seront pas nécessairement partagés par les victimes d’inceste, mais il est vrai que lorsqu’il s’agit de tresser les lauriers des psychanalystes, on leur demande rarement leur avis. Pour connaitre le vrai visage de Françoise Dolto, il suffit pourtant de la lire.
Le livre L’ENFANT LE JUGE ET LA PSYCHANALYSTE multi réédité chez Gallimard dans une collection dirigée par Catherine Dolto, fille de sa mère, jette un premier parpaing dans la mare de l’icône. Ce livre d’entretien entre Françoise Dolto et Andrée Ruffo, juge pour enfants québecoise, est particulièrement intéressant parce que, selon les propres mots de Catherine Dolto, il conserve « la spontanéité et l’émotion du dialogue qui unit deux voix fortes et singulières ».
Dans ce livre les propos de Françoise Dolto sont un festival de cruauté.
En voici quelques extraits:
P33 – Question de la juge Andrée Ruffo à propos d’un enfant victime d’inceste :
Dolto : L’important c’est : puisqu’il a survécu, qu’est-ce qu’il y a eu de suffisant pour y prendre son pied ? Si un être est vraiment traumatisé il tombe malade ; si un être n’a pas de quoi vivre il ne continue pas.
P40 – A propos du secret professionnel :
Dolto : On a l’impression aussi que quand quelqu’un se suicide par exemple, et que le psychanalyste avait entendu les fantasmes de suicide, et peut être même un désir qui se précisait, le psychanalyste est fautif, comme si c’était mal de mourir. C’est très curieux qu’au Canada ce soit mal de mourir.
P52 – A propos d’une enfant violée :
La juge : Mais on sait très bien que cet enfant est battue, qu’elle a été violée.
Dolto : Oui, et d’ailleurs qu’elle le provoque.
P53 – A propos des enfants incestués et battus :
Dolto : Les enfants sont responsables de laisser les parents commettre un acte qui les avili dans leur relation à leurs enfants.
P81 – A propos d’un enfant victime de violences sexuelles :
Dolto : … peut être que sans l’avoir cherché, l’enfant en était complice. Parce que je crois que ces enfants sont plus ou moins complices de ce qu’il se passe.
P83 – A propos d’inceste :
La juge : On a souvent au tribunal la fameuse question : est-ce que les enfants (abusés) mentent ?
Dolto : Les enfants fabulent beaucoup, oui, c’est vrai.
(…)
La juge : Mais comment nous, juges, pouvons-nous savoir si l’enfant fabule ou non ?
Dolto : Moi j’ai vu beaucoup d’enfants qui fabulaient et ça se voyait d’après leurs dessins.
P84 – A propos d’inceste :
Dolto : Les enfants ont des désirs pour les adultes, ils piègent les adultes à cause de ça. Ils n’ont que ça à penser, à provoquer l’adulte.
P85 – A propos d’inceste :
La juge : mais pourquoi l’enfant fabule ? C’est qu’il doit y avoir un désir ?
Dolto : (…) le fantasme de l’inceste la littérature en est pleine. La littérature est pleine de modes défendus de relations sexuelles.
P87 – A propos d’inceste :
La juge : est-ce qu’il est utile pour les enfants qu’il y ait un jugement social, que l’enfant soit déclaré victime ?
Dolto : Non, justement c’est très difficile parce que ça le marque pour la vie. Si ça se passe à huis clôt, entre l’enfant et les parents c’est beaucoup mieux. C’est bien dommage ce qui s’est passé. Il faut dorénavant que ce soit terminé et que ce ne soit pas toute une histoire. Ce sont des choses qui se passent dans le cabinet du psychiatre ou du médecin qui justement le garde en secret professionnel. Il travaille avec les parents pour ce dérapage dans leur vie imaginaire. C’est toujours sous médicament ou sous alcool que les choses se sont passées.
P88 – A propos des pères incestueux :
La juge : mais quand c’est le père et qu’il nie ?
Dolto : Il a raison, c’est pas le même celui qui nie et celui qui a fait. Quand on leur dit ça : « Oui, vous avez raison. Celui qui dit « non » aujourd’hui il a raison parce que c’’est impensable pour vous. Vous vous sentiriez un salaud si vous l’aviez fait avec toute votre conscience. Donc vous n’aviez plus votre conscience.
La juge : et qu’est-ce que vous faites en tant que juge pour enfant ?
Dolto : on prévient l’enfant : ça ne recommencera pas, sans ça tu seras complice.
P88 – A propos des mères abusées, de génération en génération
Dolto : et alors, vous n’en êtes pas morte. Pourquoi vous en faites toute une histoire ?
En 1960, Dolto publie une thèse « Sexualité féminine », dont elle émet un compte rendu dans le cadre d’un congrès dédiée à la sexualité féminine, chapeauté par Jacques Lacan. On appréciera a posteriori le choix judicieux de la couverture de l’édition de poche par le photographe David Hamilton…
Elle y développe une théorie personnelle selon laquelle toutes les filles passent par un stade d’angoisse fantasmatique de viol paternel.
P99 « L’angoisse de viol par le père, à l’âge œdipien, est au développement de la fille ce qu’est l’angoisse de castration au développement du garçon ».
Dans ce livre, parsemé par ailleurs de remarques extrêmement rétrogrades vis-à-vis des femmes, Françoise Dolto dresse une véritable ode au phallus, lui confiant un rôle développemental dans la sexualité féminine.
P227 : « On doit réserver le nom de complexe d’Œdipe à ce désir qui occupe tout l’imaginaire, celui d’enfantement d’un couple génito-génital dans l’étreinte d’amour et le coït avec son propre géniteur hétérosexuel, adulte surestimé, phalliquement solaire aux yeux de la fille éblouie par lui et subjuguée dans son émotivité et dans son sexe ».
Le 23 mai 1977, Françoise Dolto appose sa signature au bas d’une pétition initiée par l’écrivain pédocriminel Gabriel Matzneff demandant la révision du code pénal. Les pétitionnaires voulaient voire modifier les textes régissant les rapports sexuels entre adultes et mineurs.
Voir les archives du Monde, 23 mai 1977.
Pour celles et ceux qui douteraient encore, en 1979, Françoise Dolto est interviewée par la revue CHOISIR LA CAUSE DES FEMMES, présidée par Gisèle Halimi.
Extraits:
P20 « C’est en éduquant l’enfant que l’on peut espérer changer les mentalités. Il faudrait dire à l’enfant qui se fait battre qu’il fait honte à ses parents en se faisant prendre pour un chien. Autrement dit, il conviendrait d’expliquer à l’enfant que très souvent c’est lui s’arrange pour être battu ».
P21 « C’est le mari qui doit être aidé et non la femme battue. Il faut dire au mari « vous ne pouvez pas vivre avec cette femme ». Elles sont incapables d’entreprendre quoi que ce soit. Elles « poissent » leur mari mais ne font rien pour eux.
P21 « Dans l’inceste père-fille la fille adore son père et est très contente de pouvoir narguer sa mère ! ».
P21 « Elle ne l’a pas ressenti comme un viol, elle a simplement compris que son père l’aimait et se consolait avec elle parce que sa femme ne voulait pas faire l’amour avec lui ».
P22 : « Il suffit que la fille refuse de coucher avec lui en disant que cela ne se fait pas pour qu’il la laisse tranquille ».
Voir l’article original dans son intégralité.
Ces propos sont caractéristiques d’une perversion, au sens premier du terme, à savoir une inversion systématique des valeurs et de la réalité. Ils révèlent également une absence cruelle d’empathie à l’égard des victimes de violences sexuelles.
Il est temps de désacraliser la psychanalyse, et d’observer ses représentants pour ce qu’ils sont réellement.
Sophie ROBERT 07 09 2021